1°/un peu d’histoire :
Les questions suivantes: pourquoi des hexagones réguliers, et pas
d’autres polygones ;
pourquoi ces assemblage de losanges ; intéressent
les mathématiciens depuis plus de deux milles ans , la forme hexagonale
est déjà citée par Aristode (4 siècle avant
J.C. dans Histoire des animaux) et par Pline l’Ancien (Histoire naturelle).Pappus
d’Alexandrie , au 4ème siècle,
est semble-t-il , le premier à expliquer
cette configuration hexagonale par des considérations d’optimisation
, comme nous le verrons plus loin.
Ce n’est qu’à à partir du XVIIIème siècle que
l’on s’intéresse au problème plus délicat,
du raccordement des fonds. En 1712 , Maraldi
, astronome à l’observatoire de Paris et géomètre
à ses heures , détermine expérimentalement les angles
des fameux losanges et trouve les valeurs suivantes: les cotés de
l’hexagone mesurent en moyenne 2.7 mm , la profondeur de l’alvéole
est d’environ 11.3 mm et dans un losange tel que ASCB , on a: angle ABC
?109°28’ et l’angle BCS ?70°32’ soit 70.53°.Le physicien et
naturaliste Réaumur (1683-1757) , membre à 20 ans de l’académie
des sciences , propose le problème suivant au géomètre
allemand Koening: « entre toutes les cellules hexagonales à
fond composé de trois losanges,
déterminer celle qui peut être
construite avec le moins de matière ».Puis en 1739, Koening
propose les angles de 109°26’ et 79°34’ , légèrement
différents de ceux qu’ avait trouver Maraldi. C’est en 1743 que
Mac Laurin montre que Koening a fait des erreurs de calcul: on s’est rendu
compte peu après que ces fautes provenaient en faite d’erreur dans
les tables de logarithmes utilisées.
D’autres mathématiciens tel
que Lhuillier (1781) , Lalanne (1840) , Brougham (1858) et Hennessy (1885)
confirment ces résultats , basés sur l’idée d’optimisation:
utiliser le minimum
de cire pour un volume donné. Tous
les scientifiques n’étaient d'ailleurs pas d’accord avec cette hypothèse
d’optimisation. Un certain d’Arcy Thompson , naturaliste , explique que
la régularité de l’architecture des abeilles est due à
« quelque effet automatique des forces de la physique ».
En 1964 , le mathématicien hongrois
Feges Toth démontre que , si le fond de la cellule n’est pas formé
de trois losanges mais de deux hexagones et de deux losanges , la quantité
de cire nécessaire pour un même volume , est de 0.35% inférieure
à la quantité précédente
2°/ La gestion de l’espace : Pourquoi ce type de construction.
Les alvéoles sont construites
en cire , par certaines abeilles: les maçonnes. Dans ces alvéoles
sont stockés le pollen , le miel et sont logés les œufs et
larves : « le couvain ».
Faisons l’hypothèse que pour
un volume donné , on souhaite utiliser le moins de cire possible
pour bâtir l’édifice. Trois problèmes se posent alors
à nous:
? Avec quels polygones réguliers
peut-on paver le plan ?
? Parmi ces polygones , pourquoi choisir
l’hexagone régulier ?
? Pourquoi les trois losanges particuliers
des fonds ?
3°/ Quel polynôme régulier peut paver le plan :
On veut recouvrir , sans vide , une surface
plane , au moyen de polygones réguliers identiques placés
côte à côte. Soit x la mesure de l’angle du polygone
régulier et k , le nombre des polygones réguliers qui se
« raccordent » en A.
On doit avoir: kx = 360°.
Pour un polygone régulier convexe (
c’est à dire courbé , saillant à l’extérieur
; bombé) de n côtés , l’angle au centre tel que AOB
mesure donc 360°/n.On peut en déduire que l’angle ABC du polygone
vaut:
? = (n-2) ? 180° / n
Il s’agit alors de trouver les entiers
n et k , évidement supérieur à 2 tel que:
k ? (n-2) ? 180° / n = 360°
qui équivaut à :
k = 2n / (n-2) , avec n ? 2
Pour n = 3 (triangle équilatéral)
, on a k = 6
Pour n = 4 (carré) , on k = 4
Pour n = 5 ou n = 7 , k n’est pas entier
Pour n = 6 (hexagone régulier)
, on a k = 3
Et on s’arrête ici , car si n ? 7 ,
k est inférieur à 3 : il suffit pour s’en convaincre d’étudier
les variation de x ? 2x / (x-2)
exemple: si n = 8 , on a :
2 ? 8 / (8-2) = 16 / 6 = 2.67
k = 2.67 et 2.67 ? 3.
Les seuls polygones réguliers
convexes permettant un pavage du plan sont donc le triangle équilatéral
, le carré et l’hexagone régulier.
Le plus commode à utiliser est
l’hexagone régulier ( tommettes en terre cuite ); un angle de 120°
est en effet très peu fragile. Les coins carrés sont plus
sensibles ; quand à ceux du triangle équilatéral ,
ils sont encore moins solides.
Par ailleurs l’hexagone régulier
est , de ces polygones , le plus « proche » du cercle ,
et sans doute le plus « confortable
» pour les larves d’abeilles.
4°/ pourquoi choisir l’hexagone régulier ?
Les abeilles ont à déposer
leur miel dans ces alvéoles , disposées sur une surface donnée.
Il s’agit de paver cette surface au moyen de polygone régulier juxtaposés
, de telle sorte que la construction de chaque alvéole soit la plus
économique possible.
Le problème est donc le suivant
:
Pour une même surface , quel
est , parmi les trois polygones réguliers permettant de paver le
plan , celui qui a le plus petit périmètre ?
Désignons par P le périmètre
du polygone régulier de côté a , et par S l’aire de
ce polygone régulier. Un petit calcul permet d’établir les
résultats suivants:
Pour le triangle équilatéral , P = 3a S = a² ? ( ?3 / 4 ) d’où P² = 12?3 ? S |
|
Pour le carré , P = 4a S = a² d’où P² = 16 S |
|
Pour l’hexagone régulier , P = 6a S = 6a² ? (?3 /4) d’où P² = 8?3 S |
Ainsi pour une même
aire S , c’est le périmètre de l’hexagone régulier
qui est le plus petit. On peut donc penser que c’est pour économiser
la cire que les abeilles ont choisi cette solution.
En clair , l’hexagone régulier est
le moyen de pavage le plus économique : pour une même surface
, il offre le plus petit périmètre. Les prismes ne se raccordent
pas par une face hexagonale : chaque cellule est adossée à
trois autres cellules au moyen d’une surface concave formée de trois
losanges.
5°/ Pourquoi les losanges ?
Comme nous l’avons dit , les fonds comportent trois losanges identiques et non coplanaires. Pour un volume donné , retrouvons les angles de ces losanges en minimisant la surface totale de l’alvéole. Examinons une alvéole d’axe supposé vertical pour la commodité du dessin.
Soit h la hauteur du prisme.
Montrons d’abord que si l’on remplace l’hexagone du couvercle par
trois losanges bien choisis , le volume est inchangé.
Pour cela , envisageons simplement un tiers du prisme : OABCKabc.
Soit V le volume de ce prisme. Choisissons S sur l’axe delta
et B’ , tel que vecteur B’B = vecteur OS.
Le prisme OABCkabc. Le losange initial OABC , dont le plan
est horizontal , est remplacé par le quadrilatère SAB’C ,
donc un plan oblique.
En utilisant la symétrie centrale qui échange
A et C , il est facile de constater que ces deux solides , on le même
volume.
On peut alors démontrer que SAB’C est un losange de coté:
a = ?(1 + x²)
en désignant par x les longueur BB’ et OS pour des hexagone
de base de côté 1.
Ainsi le volume du prisme initial ne change pas lorsque S
se déplace sur delta et que l’on remplace le couvercle hexagonal
plan par les trois couvercles en forme de losange.
A volume constant , trouvons x pour que l’aire totale de l’alvéole
soit minimum (en remarquant que 0 ? x ? h)
Aire latéral :
les six trapèze tel que AabB’ ont , au total , une
aire :
S1 = 6 ? ( 2h - x ) / 2
Aire des trois losanges :
on a :
AC = ?3 SB’ = ?( 4x² + 1 ) d’où l’aire
de SAB’C est égale à :
?(12x²+3) / 2
Soit , pour trois losanges :
S2 = 3/2 ? (?12x² + 3)
Aussi , l’aire totale S d’une alvéole est donc donné
par :
S’ x) = 6h - 3x + 3/2 ? (?12x² + 3)
La dérivé de cette fonction s’annule pour x
= ?2 / 4 , valeur qui correspond a un minimum de S.
L’aire minimum est alors :
S = 6h + 3?2 / 2
Remarquons bien que pour x = 0 , on a S(0) = 6h + 3?3 / 2
, ce qui est supérieur au minimum trouvé : les abeilles ont
bien raison de ne pas choisir un fond plat.
Calculons alors les angles du losange SAB’C pour x = ?2 /
4.
Pour cette valeur de x , on a :
Aire (SAB’C) = 3?2 / 4
D’autre part , vous savez que cette aire est aussi égale
à :
Aire (SAB’C) = SA ? SC ? sinus de l’angle ASC
= (9/8) ? sinus de l’angle ASC
D’où :
(9/8) ? sinus de l’angle ASC = 3?2 / 4
et on sait que le sinus de l’angle ASC est égal à
: 2?2 / 3
l’angle ASC ? 70.528° ? 70°32’
et bien sûr :
l’angle SAB’ ? 109.472° ? 70°32’
Ce sont donc bien les valeurs
connues depuis le dix huitième siècle